Paul Vidal de La Blache

Alex Rover | mai 7, 2023

Résumé

Paul Vidal de La Blache (prononciation française : Pézenas, Hérault, 22 janvier 1845 – Tamaris-sur-Mer, Provence-Alpes-Côte d’Azur, 5 avril 1918) est un géographe français. Il est considéré comme le fondateur de la géographie française moderne et de l’École française de géopolitique. Il a conçu l’idée du genre de vie, selon laquelle le mode de vie d’une région particulière reflète les identités économiques, sociales, idéologiques et psychologiques imprimées dans le paysage.

Paul Vidal de la Blache est le fils d’un professeur devenu par la suite administrateur d’académie. Il est scolarisé à l’Institution Favard au Lycée Charlemagne à Paris. Il fréquente ensuite l’École normale supérieure. Il entre à l’École normale supérieure en 1863, à l’âge de dix-huit ans, et obtient l’agrégation d’histoire et de géographie en 1866. Il est nommé à l’École française d’Athènes et en profite pour voyager en Italie, en Palestine et en Égypte (où il assiste à l’inauguration du canal de Suez). Il y étudie l’archéologie grecque pendant trois ans.

De retour en France, il épouse en 1870 Laure Marie Elizabeth Mondont, avec qui il aura cinq enfants. Il occupe plusieurs postes d’enseignant, notamment au lycée d’Angers et à l’École préparatoire de l’enseignement supérieur des lettres et des sciences. La Blache obtient son doctorat à la Sorbonne en 1872 avec une thèse d’histoire ancienne, publiée ensuite sous le titre Hérode Atticus : étude critique sur sa vie. Il commence à travailler à l’Université de Nancy. Vidal de la Blache retourne à l’École Normale Supérieure en 1877 en tant que professeur titulaire de géographie et y enseigne pendant 21 ans. Il est ensuite transféré à l’Université de Paris, où il continue d’enseigner jusqu’à sa retraite en 1909, à l’âge de 64 ans.

Vidal de la Blache a fondé l’école française de géographie et, avec Marcel Dubois et Lucien Gallois, les Annales de Géographie (1893), dont il a été le rédacteur en chef jusqu’à sa mort. Les Annales de Géographie sont devenues une revue académique influente qui a promu le concept de géographie humaine comme l’étude de l’homme et de sa relation avec son environnement. L’élève de Vidal de la Blache, Albert Demangeon, a été profondément influencé par son insistance sur l’importance des influences historiques dans l’étude de la géographie, et est devenu le principal universitaire français dans le domaine de la géographie humaine. Pendant la Première Guerre mondiale (1914-18), en janvier 1915, la Commission géographique est créée en liaison étroite avec le 2e Bureau de l’état-major de l’armée et comprend six géographes : Albert Demangeon, Lucien Gallois, Emmanuel de Martonne, Emmanuel de Margerie, Louis Raveneau et Paul Vidal de la Blache. Antoine Vacher a contribué de manière intermittente aux travaux de la Commission.

Vidal de la Blache a produit un grand nombre de publications, dont 17 livres, 107 articles et 240 rapports et comptes rendus. Seule une partie de ces publications a été traduite en anglais. Ses ouvrages les plus influents comprennent un manuel élémentaire, Collection de Cartes Murales Accompagnées de Notices, ainsi que Histoire et Géographie : Atlas General et La France de l’Est. Deux de ses écrits les plus connus sont le Tableau de la géographie de la France (1903) et les Principes de géographie humaine (1918).

Le Tableau de la géographie de la France est un condensé des méthodes de Vidal, un manifeste dont la réalisation a nécessité une douzaine d’années de travail. Il fait le tour du pays en notant tout ce qu’il a observé dans ses innombrables carnets. Il s’intéresse aux aspects humains et politiques, à la géologie (discipline naissante à l’époque, peu liée à la géographie), aux transports, à l’histoire. Il est le premier à lier tous ces domaines dans une approche quelque peu quantitative, utilisant peu les chiffres, essentiellement narrative, voire descriptive, peu éloignée en quelque sorte d’un guide ou d’un manuel de peinture de paysage.

Influencé par la pensée allemande, notamment par Friedrich Ratzel qu’il avait rencontré en Allemagne, Vidal a été associé au terme de « possibilisme », qu’il n’a jamais utilisé mais qui résumait bien son opposition au déterminisme tel qu’il était défendu par certains géographes du XIXe siècle. Le concept de possibilisme a été utilisé par les historiens pour évoquer le flou épistémologique qui, selon eux, caractérisait l’approche de l’école de Vidal. Qualifiée d' »idiographique », cette approche était perçue comme bloquant l’évolution de la discipline dans une direction « nomothétique » qui serait le résultat de l’expérimentation, permettant de dégager des lois ou de faire des démonstrations scientifiques.

En 1910, Vidal publie un article visionnaire sur les régions de France. Le Premier ministre, Aristide Briand, lui avait demandé de créer des groupements régionaux dotés d’organes représentatifs. Vidal propose de découper la France en régions organisées autour d’une métropole. Les réalités économiques du monde moderne, avec la concurrence mondiale et le rétrécissement de la planète dû à l’accélération des communications, lui font penser qu’il faut promouvoir des modes d’organisation moins centralisés, moins statiques.

La géographie « vidalienne » s’appuie sur des formes variées de cartographie, sur des monographies, et sur quelques concepts notables : « paysages », « milieux », « régions », « genres de vie », « densité », etc. De nombreux étudiants en master, notamment dans leurs mémoires, ont produit des géographies régionales à la fois physiques et humaines (voire économiques). Le contexte choisi pour ces descriptions est celui d’une région, dont les contours ne sont pas toujours très bien fixés scientifiquement. C’est sans doute parce que cette approche était plus structurée que beaucoup de successeurs de Vidal, et plus encore de Martonne, se sont spécialisés dans une géomorphologie qui s’est progressivement affirmée, mais qui a aussi, par son étroitesse, affaibli la géographie française.

Entre les deux guerres mondiales, la « géographie classique » est restée dans le moule établi par la tradition vidalienne. Elle est défendue par un establishment qui marginalise toute tentative de renouvellement épistémologique, à tel point qu’après la Seconde Guerre mondiale, la discipline se retrouve au même stade que celui où elle avait été laissée à la mort de Vidal. On peut dire que ses disciples étaient attachés à un aspect particulier de la pensée du maître et ne savaient pas comment gérer la complexité et la croissance, ce qui a eu pour conséquence de rétrécir le champ de la discipline. Une triade immuable s’impose à la recherche et aux études universitaires : géographie physique (Martonne, Baulig), géographie régionale (par ordre décroissant de fréquence et d’importance : géomorphologie, puis géographie rurale, géographie régionale, et enfin géographie tropicale.

Cette géographie classique – naturaliste, monographique, morphologique, littéraire et didactique – allait connaître un renouvellement rapide et une transformation radicale en science sociale avec la révolution des années 1960 et 1970 et l’essor des études urbaines et industrielles.

Certains adeptes de la géographie moderne en tant que science de la dimension sociale de l’espace ont critiqué la géographie de Vidal en tant que science naturelle des modes de vie. Selon ce point de vue, les idées de Vidal ont fait de la nature la force extérieure qui anime les sociétés. Elles ont servi à valider l’équation nation, territoire, souveraineté et l’idée fondamentale de la IIIe République française selon laquelle le patriotisme est la valeur suprême. Le raisonnement qui fait de la nature le moteur des sociétés n’est tenable que pour les sociétés rurales et apparemment statiques. Vidal évite de s’intéresser à l’industrialisation, au colonialisme et à l’urbanisation. Il appelle ces concepts des « vents historiques », comme des rafales à la surface d’un étang. Comme il l’écrit lui-même à la fin de son Tableau de la géographie de la France, « l’étude attentive de ce qu’il y a de fixe et de permanent dans les conditions géographiques de la France doit être ou devenir plus que jamais notre guide ».

Pourquoi la géographie vidalienne a-t-elle triomphé en France jusqu’en 1950 ? Une explication notable est que la pensée française de la IIIe République est dominée par le nationalisme, qui est sans doute un moyen de contrôler les populations. L’histoire se voit confier le rôle de montrer l’émergence de la nation, et la géographie n’a pas vocation à se référer à la politique. Une société quasi statique s’expliquerait par une nature statique. Les idées de Vidal forment le paradigme principal de la science géographique de l’époque, contrôlant les universités, les centres de recherche et la délivrance des diplômes. Les penseurs urbains n’avaient pas leur place en France jusqu’en 1950, ce qui explique que des géographes comme Jean Gottmann aient quitté la France pour faire carrière aux États-Unis.

Sources

  1. Paul Vidal de La Blache
  2. Paul Vidal de La Blache
  3. Jusqu’en 1944, il n’y a pas en France d’agrégation spécifique pour la géographie. L’agrégation d’histoire et géographie, créée en 1831, met l’accent sur l’histoire. En 1866, après avoir assuré trois sujets d’histoire de six heures, Vidal compose un devoir secondaire de quatre heures de géographie historique comparée.
  4. ^ Preston E. James & Geoffrey J. Martin. All Possible Worlds: A History of Geographical Ideas, Second Edition, p.194.
  5. ^ « Paul Vidal de la Blache – A biographical sketch by Jason Hilkovitch & Max Fulkerson ». Archived from the original on 2006-09-09. Retrieved 2006-09-23.
  6. ^ Fonti biografiche: Numa Broc, Regards sur la géographie française de la Renaissance à nos jours., Presses universitaires de Perpignan, 1995. Paul Claval, André-Louis Sanguin, La Géographie française à l’époque classique (1918-1968), Paris, L’Harmattan, 1996. Marie-Claire Robic, Le Tableau de la géographie de la France de Paul Vidal de La Blache. Dans le labyrinthe des formes, Paris, Comité des travaux historiques et scientifiques, 2000
  7. Numa Broc, Regards sur la géographie française de la Renaissance à nos jours., Presses universitaires de Perpignan, 1995.
  8. Paul Claval, André-Louis Sanguin, La Géographie française à l’époque classique (1918-1968), Paris, L’Harmattan, 1996.
  9. Marie-Claire Robic, Le Tableau de la géographie de la France de Paul Vidal de La Blache. Dans le labyrinthe des formes, Paris, Comité des travaux historiques et scientifiques, 2000
  10. a b D. Fliedner: Sozialgeographie (=Lehrbuch der allgemeinen Geographie). Walter de Gruyter, Berlin 1993, S. 37.
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